Passer des critiques…

Des critiques contre les médias et les journalistes sont régulièrement publiées. Cette remise en question constante de leur légitimité informationnelle et professionnelle, au-delà du marronnier, est le signe d’un questionnement profond du métier et de sa place dans un contexte de profondes mutations. Interrogation ultime, chaque année, les journaux publient un baromètre sur la confiance des Français dans les médias (http://www.la-croix.com/France/La-confiance-dans-medias-plus-2017-02-02-1300821928).

Ces critiques se déploient sur plusieurs points. Certaines questionnent l’impact des processus de concentration, financiarisation et d’industrialisation sur les conditions de travail des journalistes et sur les messages produits. D’autres pointent du doigt les relations de connivence et de dépendance des professionnels de l’information avec les acteurs politiques, institutionnels et économiques. Ces critiques dénoncent une logique de marchandisation de l’information (http://www.lepoint.fr/medias/aude-lancelin-l-obs-est-un-petit-poumon-malade-encore-necessaire-a-la-gauche-13-10-2016-2075574_260.php), soumise à un impératif de profit aux dépens de la valeur éditoriale. Comment ? Par l’absence de pluralité de sources, de sujets et d’angles (http://www.liberation.fr/france/2017/07/14/c-est-les-medias-qui-imposent-les-discussions_1583986), la reprise des communiqués de presse, l’absence de vérification des sources, la course à l’audimat, la mise en valeur de sujets sport ou people (comme l’affaire Neymar à l’été 2017) plutôt que géopolitiques, le traitement par l’émotion et non par la réflexion, l’absence de neutralité ou d’objectivité, le recours incessant aux stéréotypes au lieu d’observations sur le terrain (http://www.acrimed.org/-Les-medias-et-les-quartiers-populaires-). Ces critiques dessinent un portrait type de journaliste ignorant des réalités de la vie quotidienne du quidam, peu concerné par son audience, privilégié car issu de la classe moyenne supérieure, connivent avec les sources, réalisant des ménages, acceptant des voyages ou cadeaux, ainsi que des rédactions reproduisant les inégalités sociales (http://www.courrierinternational.com/article/royaume-uni-parite-salariale-la-bbc-mieux-vaut-etre-un-homme et http://www.telerama.fr/television/presence-des-femmes-a-l-antenne-teles-et-radios-peuvent-encore-et-toujours-mieux-faire,155128.php/).

…A l’analyse de terrain des conditions de production

Ces critiques rendent toutefois difficiles dialogue et réflexion, renvoyant rapidement aux excuses des uns, et aux accusations des autres. Elles touchent pourtant des points sensibles dont l’enjeu nous semble essentiel, l’information, et la communication configurant les débats et les problèmes publics (Gilbert Claude et Henry Emmanuel, 2012).

Car les profondes mutations qui affectent aujourd’hui les médias — concentration, financiarisation, internationalisation, numérisation — changent l’organisation de la production de l’information et le système de relations auquel le journaliste participe (https://www.contrepoints.org/2017/03/17/284241-lindustrie-medias-a-lere-numerique). L’identité et l’action des sources se transforment. De nouveaux acteurs participent au processus, de nouvelles modalités de communication de l’information se développent, et des opportunités nouvelles apparaissent, avec les réseaux sociaux numériques notamment. Les frontières entre les territoires d’activités des acteurs deviennent mouvantes, notamment sur le web, où coexistent avec des pure players et des médias en ligne clairement identifiés comme relevant de l’espace journalistique, des sites spécialisés sur la production de contenus sportifs, culturels, etc., aux statuts et à l’organisation opaques. Celles-ci sont exacerbées par un marché de l’emploi qui fragilise davantage les professionnels de l’information avec la multiplication des contrats précaires (CDD, piges), et le recours au statut d’intermittent du spectacle ou d’auto entrepreneur, dans le web et l’audiovisuel notamment (http://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100722250&fa=description). Ceux-ci se trouvent donc au milieu d’injonctions diverses, de contraintes multiples (économiques, symboliques, organisationnelles, …), d’autant plus fortes par le contexte de concurrence exacerbée, de fragmentation des pratiques, des contenus et des modes de consommation (https://rsf.org/fr/le-journalisme-fragilise-par-lerosion-democratique).

Ce colloque étudie les modalités de la production journalistique de l’information sportive télévisée, à savoir les micros décisions, les opérations successives qui, imbriquées les unes aux autres, définissent et construisent le produit éditorial. Il s’agit aussi, lors des échanges, de repositionner les chaînes de télévision et les journalistes dans un écosystème, au sein d’une chaîne de production et d’un système de pression et de contraintes qui se transforment en choix éditoriaux sans être formulés comme tels. Nous postulons, en effet, que les journalistes ne sont pas les seuls responsables de l’information produite, de ses angles, de ses sources, de discours rapportés, des formes et des formats d’écriture, des modes de diffusion, de présentation, etc